vendredi 27 novembre 2009

Les "Années 90" au pied du Mur : grands événements (3)

Partie 3 : La moutarde monte au nez des Kurdes


Saddam s'administrant un missile Patriot pour faire dodo, Baghdad 1991.


Les missiles Tomahawk s’enfonçaient dans la nuit comme des suppositoires effervescents. Le ciel de Bagdad, crépitant de milliers d’éclats verdâtres, semblait couvert de lucioles éphémères. Du fond d'un palais de Saladin à l’architecture déraisonnable, Saddam, tout à son lyrisme de poète arabe, promettait aux alliés de les noyer dans un « fleuve de sang » et de les engloutir dans une « mer de feu ». Ses troupes de bouffeurs de dattes en pyjama, affamées et vidées par la peur, allaient faire avaler leurs queues à ces chiens d’infidèles de la coalition, envahisseurs imprudents des terres de Nabuchodonosor. C’était écrit, la Mesopotamie deviendrait le tombeau d’un occident hérétique et belliqueux.

Moyennant quoi, reconnu par les experts comme l’un des plus absurdes stratèges militaires de tous les temps, le « Glorieux leader » fils du Tigre et de l’Euphrate, triomphateur des Perses et roi de Babylone conduit son armée à l’abattoir. Taillée en pièce division par division, unité par unité, char par char, elle est rapidement désertée par plus de 100 000 fantassins qui se mêlent à la population civile pour mieux se faire décimer par des bombes à fragmentation - c’est tout de même plus pratique de tester ces engins in situ, a fortiori sur des peuplades inutiles et nuisibles.

Coalition de démocrates reniflant les tyrans, 1991-2010.

Les protecteurs de la démocratie attaquent toujours en meute, c’est à ça qu’on les reconnaît. Puis, comme des animaux sauvages, ils se repartissent le butin en suivant la hiérarchie du groupe. Les dominants dépècent la victime en premier pour se garder les morceaux nobles. Tandis que les seconds couteaux attendent fébrilement qu’on leur condescende le droit de ronger la peau. Les USA, ces grands charognards aux ailes sombres, redessinent en catimini la région qui les arrangent, manigancent un échange usurier « pétrole contre nourriture » qui fera plus d’un million de morts civils parmi la population irakienne et, une fois repus, abandonnent sa carcasse désossée en tapant sur l’épaule de Saddam. Le Raïs, qui beuglait à qui voulait l'entendre qu'il mourrait en martyr pour son peuple, signe sa reddition sous une tente de bédouin, et rentre tranquillement à Bagdad commander aux généalogistes de lui fabriquer de toute pièce un lien de sang avec le prophète Mahomet - lequel lien sera consigné dans un document de 600 pages écrit avec sa propre hémoglobine - et s'occuper des affaires intérieures.
Assis sur les plus grosses réserves de pétrole après l’Arabie Saoudite, le Kurdistan irakien s’en est toujours pris plein la cantine. Persécutés pendant des décennies par les Turcs et martyrisés par le régime de Saddam, les kurdes pensent en voyant le débarquement allié que l’heure de leur libération a sonné. Un peu partout de Mossoul à Kirkouk, ils sortent de leur léthargie, bombent leur maigre torse en brandissant des casseroles dans la rue et se mettent à hurler des « à bas Saddam, à bas Saddam… » enfiévrés et joyeux, convaincus que Georges Bush père - le fils de Prescott Bush qui rappelons-le c’est toujours un plaisir, a fait sa fortune en commerçant avec les nazis - allait kicker Saddam’s ass. Monumentale erreur d’appréciation. Georges et ses amis s’en vont en laissant implicitement carte blanche à Saddam pour régler ses affaires en famille. C’est alors que cousin Ali, le chimique, en pacificateur spécialiste de la région, reprend du service pour distribuer à tout le monde de la moutarde sous forme gazeuse. La Mesopotamie retrouvait enfin un peu de sérénité.

Saddam Aleikum.

"Pour les kurdes, il n'y a qu'Ali qui Maille."
Saddam, 1991.


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