dimanche 29 novembre 2009

Les "Années 90" au pied du Mur : grands événements (1)

Partie 1 : D'une révolution, l'autre : la liberté expliquée aux mouches



1989, l'année ludique.

La fumée des pétards du bicentenaire commençait à peine à se dissiper. La France se remettait tout juste des tonitruantes festivités du 14 juillet 89 dont le point d’orgue, le défilé du publicitaire Jean-Paul Goude, sensé offrir à la nation une célébration grandiose de ses vertus cardinales - liberté et droadloms en tête - ne fut qu'une débauche de matériaux aussi spectaculaire qu’inutile.

Le bon peuple, repu de feux d’artifices, semblait encore groguis de cet élan d’espérance mystique, tremblotant comme une fillette après un orgasme accidentel.

Tout le monde n’a pas eu la chance de voir débarquer dans sa classe, en ce beau matin du 10 novembre, une grosse prof d’histoire l’air à demi paniquée et les cheveux hirsutes, gesticulant comme une démente dans son chemisier Cyrillus : « aujourd’hui, exceptionnellement, on va pas suivre le programme, le mur de Berlin est tombé… c’est trop important ! ».


A écouter la vieille, enfiévrée, vibrante, on était « trop petits pour comprendre » mais on devait se réjouir de la mort annoncée du communisme et de sa promesse égalitariste de MERDE. Les masques tombaient et nous, les gentils, avions gagné. Et elle nous lançait des explications en petits geysers d’arguments comme une baleine projette son eau en giclées.
C’était une vraie comédie musicale ; les nuques longues rejoignaient les vestes en jean délavées pour fracasser à coups de masse le mur couvert de graffitis qui les séparait depuis 30 ans. Flairant la bonne affaire, le vieux Rostropovitch plantait son violoncelle au milieu des gravats pour donner récital en pleine euphorie. Pour lui, c’était la postérité à peu de frais, la pub Benneton sans le cachet d’Oliveriro Toscani. Comme quoi, célébrer la liberté avec trois accords que plus personne n’a envie d’entendre peut faire entrer dans l’histoire. Cette symphonie destructrice donnerait encore plus de valeur à un catalogue que Rostro allait bientôt céder à André Rieu, le hollandais volant qui lui-même le recyclerait en valses pour vendre des assurances.



Couple de nuques longues sortis de captivité, Berlin, 1989.

Non, Rostropovitch n’était ni opportuniste ni cynique, il montrait juste la voie de la raison. Le mur s’effondrait mais il se vendrait mieux à la découpe.

Nous vivions ce que le néo-conservateur Francis Fukuyama appelait avec un sens de la mesure typiquement Yankee : « la fin de l’histoire ». C’en était bientôt fini de la guerre froide. Notre ennemi à tous, l’ogre soviétique était définitivement terrassé. Il gisait de tout son long, éventré, et de ses tripes éclatées s’échappaient déjà des millions d’opprimés pressés de se vautrer à crédit dans le mode de vie occidental. Le nid de frelons explosait à coups de barres à mine. L’ouest triomphait sur le mal et, princier, lui avançait même la thune nécessaire à sa reconversion en suppôt du bien.

A Berlin, Check-point Charlie vomissait des hordes de soumis pressés de ramper sous d’autres formes de domination. Le grand souffle de liberté poussait un troupeau béat vers l’enclos concentrationnaire de la liberté et du chacun pour sa gueule.
En effet, il n’aura pas fallu deux jours pour que les plus dégourdis des nuques longues, reniflant tels des bêtes le nouveau ghetto dans lequel on les parquait, se mettent à vendre des morceaux du mur comme des petits parpaings. Trois Deutsch Marks la crotte de béton maculée de peinture, c’était le prix du souvenir, le prix du symbole qui s’exposerait avec style sur des étagères d’humanistes rêveurs et petits bourgeois. L’est apprenait à mettre de la graisse sur ses rutabagas.


Après la queue pour s'alimenter, la queue pour travailler,
Europe de l'ouest, 90's.


Ne touchez pas la liberté, elle est virale bande de connards.
Le mois suivant, jaloux de l’étalage de bonheur de ses petits voisins, le peuple Roumain pousse comme un magma la chape de béton qui l’étreint depuis des décennies. Toute bonne éruption commence par une émission de gaz. A l’occasion d’un discours public prononcé depuis le balcon de son palais de sciences fiction, le conducator Nicolae Ceaucescu, AKA le Danube de la pensée, entend monter les sifflets d’une foule qui trépigne telle une adolescente privée de sortie. Résultat : lacrymo et douilles 7,62 pour tout le monde.
Mais, manque de pot, devant l’ampleur de la rébellion, stimulée par la presse occidentale qui retransmet tout et n'hésite pas à en faire des tonnes sur le charnier de Timisoara, l’armée, pas dingue, comprend qu’il est préférable de rejoindre le camp des futur gagnants tant qu’il en est encore temps. Fin de la blague pour le génie des Carpates qui tente de s’enfuir avec sa femme mais se fait arrêter à Pitesti, le Varenne roumain.
C’est ainsi qu’à l’issue d’un procès qu’on aurait dit improvisé dans une arrière-cuisine, le légendaire couple de satrapes se fait dessouder à coups d’AK 47 sur le sol boueux d’une cour de ferme. Des images de snuff movie les montrent comme des chats crevés, les yeux grands ouverts, incrédules et méchants, figés dans une ultime expression de défi envers un peloton auquel ils avaient autrefois ordonné d’arroser la foule.


TF1, déjà dans les bons coups, Bucarest, 1989.

Un régime tyrannique finit par un procès arbitraire. Qu’on se le dise, à partir de maintenant, la « civilisation » répondrait à la barbarie par la barbarie. La décennie de notre adolescence serait une décennie pleine d’hémorragies, mêlant les unes aux autres leurs rhésus incompatibles. On avait pas fini de grandir.

Radis Donc.

5 commentaires:

  1. Pour notre pote roumain, je connaissais aussi "Grand Ordonnateur des Carpates", délicieux.

    Mais comme tous le monde le sait, derrière chaque grand dictateur il y a une femme. Moi j'ai beaucoup d'affection pour Héléna car c'est finalement elle qui prend alors la majeure partie des décisions en Roumanie. Son mari étant semble-t-il un peu simple dans sa tête.

    On la reconnais pas bien sur la photo ci-dessus, sa tête n'est malheureusement plus d'un seul morceau.

    Gnac gnac

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  2. Je vois qu'on a ici un fin connaisseur du système. J'ai également un petit faible pour Hélena, car derrière la despote se cachait la scientifique doctor Honoris Causa des universités de Nice et de Montreal...

    Une femme délicieuse, pleine de goût, dont les bourreaux ont admis après le peloton qu'elle sentait atrocement le chien mouillé... Pauvre petite chatte.

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  3. Je viens de voir la dentition de MAO sur une photo, je suis horrifié. Les dents les plus pourries de l'histoire politique moderne. Il paraît qu'elles étaient blanchies sur les photos, faut croire que le chinois a ça dans les gênes.

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  4. Exact Vinaigre... Et que dire de Joseph Vissarionovitch Djougachvili qui avait une si vilaine peau qu'il vivait en permanence avec une couche de fond de teint épaisse comme de la terre battue... Mais ça bien sûr, l'histoire l'a oublié.

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  5. Sûrement un borshtsh assaisonné à la dioxine, la technique est connue, parlez-en à Mr Iouchtchenko...

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