dimanche 22 novembre 2009

Les "Années 90" au pied du Mur : les jeux vidéo



Qui mieux qu’une ex-star pour évoquer le jeu vidéo made in 90's ? A la MoucheDuCoq, on aime les monstres. C’est donc tout naturellement que notre choix s’est porté sur Blanka. Direction le Brésil où la créature – lunettes d’écailles et pipe sur son inusable short - nous reçoit dans l’intimité de sa hutte, sur les rives du fleuve Amazone.



Blanka bonjour et merci d’avoir accepté notre invitation.

Brrrwar !!! Tout le plaisir est pour moi. Mon attachée de presse est au chômage technique depuis quelques temps vous savez...


Vous étiez pourtant une star des salles d’arcade dans les années 90. Parlez-nous de votre vie avant la gloire.

Unique survivant d’un crash aérien au dessus de la forêt vierge, j’ai été recueilli par des indigènes qui m'ont pris pour une entité divine. Lassé par les frous-frous protocolaires, j’ai rejoint la ville pour me consacrer à la musique.


J’aurai même pu devenir bassiste de Sepultura si cet empaffé de Paulo Jr. n’avait pas court-circuité mon ampli avant l’audition. L'accident m'a rendu... « électrique ».Capcom m’a ensuite repéré dans un cirque où je dansais la capoeira. La firme était en plein casting pour son prochain jeu de combat. Mes capacités les intéressaient. Le contrat était avantageux, j’ai signé tout de suite.


Street Fighter II sort en 1991. Le titre se démarque par une réalisation et un gameplay d’une rare richesse. Capcom engrange les millions, les suites se multiplient, et la franchise devient l’archétype du jeu vidéo des années 90. Pourtant, vous avez connu une traversée du désert...


En 1992, Capcom est venu nous trouver avec un projet démentiel : adapter Street Fighter II sur Super Nintendo. Une gageure technique ! On n’était pas trop chauds au départ ; on craignait pour notre image. Ils ont su nous convaincre que l’opération élargirait notre audience.


Finalement, le portage fit vendre à lui seul des millions de consoles. Mais les conditions de travail ont changé : notre variable, 10 % sur chaque pièce insérée, a été remplacé par des royalties sur les ventes de cartouches. Ca peut paraître avantageux à 134 € (constants) l’unité, mais les combats ont perdu en intensité. Peu à peu, les jeux d’arcade 2D sont devenus has been.


Capcom nous a mis au placard en 1995. Avec la Playstation, le jeu vidéo quittait l’underground pour s’installer définitivement dans les foyers. « Les gosses des salles d’arcade ont grandi nous répétaient les gars du marketing. Il leur faut de nouvelles icônes, de nouveaux styles de jeux ». Le CD-ROM et la 3D leur permettaient de créer des univers plus adultes.

Des « expériences cinématographiques ». N’importe quoi ! Ils ont fini par couper nos budgets au profit d’un projet obscur : Resident Evil. Si un jour je chope ce boyscout de Chris Redfield. Grrr...

(De petites étincelles jaillissent de la toison rousse de Blanka)


Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’industrie?


(Blanka soupire en se recoiffant)

Nous sommes passés d’un business de niche artisanal à un loisir de masse. Les enjeux financiers ont tout bouleversé... Pour plaire au plus grand nombre, les industriels ont mis au point toutes sortes de procédés facilitant la vie du joueur.

Autrefois, chaque partie était une lutte pour le « perfect ». Un darwinisme vidéoludique. Chaque pièce de 10 francs insérée dans le monnayeur recelait un petit goût de sang. Les ados se disputaient le titre d’alpha geek en face à face. Aujourd'hui, tout se passe en réseau ; la généralisation de la sauvegarde a fait disparaître la sanction du « game over ». Je ne vous parle pas de ces fiottes qui se battent en 3D. De toute façon j’ai pris du bide, j’aime autant qu’on me voie de profil.


La Playstation a pourtant permis au jeu vidéo de sortir du ghetto...


Pour les financiers, peut être ! Mais pour les ouvriers du jeu 2D, c’était la relégation en D2. Mario, Bomberman, Sonic ? Sous respiration artificielle ! Remplacés par des héros en 3D au design grotesque. J’ai même du aller aux Prud'hommes pour figurer dans Street Fighter 3 ! Tout ça à cause d’une prestation un peu molle dans le film - quelle idée ! - et d’un soit disant besoin de renouvellement. De toute façon le jeu s’est pris une raclée face à Tekken.


Vous avez tout de même fait un retour remarqué dans le récent Street Fighter IV.

Il me manquait des trimestres pour percevoir ma retraite à taux plein. De son côté, Capcom avait besoin de vieilles gloires pour ressusciter la franchise. J’ai rempilé à contrecœur : l’employeur voulait absolument adapter le jeu en full 3D. Nous n’étions pas d’accord. S’en est suivi un long mouvement social. Finalement, le syndicat de la 2D a accepté la modélisation des combattants en 3D en échange du maintien d’une jouabilité old school. Les gamers peuvent nous remercier : sans cette lutte, les heures englouties à maîtriser le « quart de cercle + low punch » auraient été anéanties.

Dernière question : nous fêtons cette année les 20 ans de la chute du Mur. Une réflexion ?

Vous savez ce que j’en fais des murs ?

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