mercredi 18 novembre 2009

Les "Années 90" au pied du Mur : la musique (1)

Introduction + Partie 1 : le CD, cheval du MP 3 ?

Au Lagarde et Michard du patrimoine musical, les nineties font souvent figure de parent pauvre. Pourtant, des répliques du séisme grunge aux boys bands luisants, la décennie est à l'image de la génération dont elle a accouché: paradoxale, slalomant entre cynisme carnassier et idéalisme bon teint. Une skate shoe dans le système mais – toujours - une en dehors. En toile de fond, l’ogre marketing. Une créature métamorphe qui mange à tous les râteliers. Nous y reviendrons.

Dans ce paysage contrasté, un phénomène arc-en-ciel va renforcer l'approche tiroir-caisse adoptée avec une naïveté vintage dans les années 80. Il en sera également l'oiseau de mauvais augure...


Flashback. 17 août 1982. Après de longs mois passés dans l’éclat argenté d’un laboratoire, deux géants de l’électronique mondiale – Philips et Sony - donnent naissance à un bébé de 12 cm de diamètre : le disque compact, ou CD pour les intimes. Exit la bonne vieille K7 troquée sous le manteau. Bye bye le vinyle de papa et son craquement à vous réchauffer l’âme d’un métalleux norvégien. Bienvenue dans l’ère glaciaire du numérique. L’encodage est en effet réputé pour ne pas restituer toute la chaleur du sillon.


C'est en tout cas ce qu'avance une industrie jamais avare d'arguments douteux pour éviter d'adapter son business model. On connait la chanson. Face à la levée de boucliers de distributeurs contrariés de devoir troquer leurs bacs de 33 tours par des étals adaptés au nouveau format, les débuts du CD se font dans la douleur. Ce n'est qu'au tournant des 90's qu'il s'imposera comme la galette unique pour les gouverner tous.

Pour l'industrie, les promesses du support sont pourtant nombreuses: réédition d’un catalogue devenu inaltérable, ventes massives de platines dédiées et, surtout, endiguement des K7 échangées dans les cours de récré. Pour l’auditeur, la fin du craquement du 33 tours arrivé en bout de course, signe qu’il va falloir poser le chat par terre, quitter son rocking chair et aller changer de face. La fin d’une époque... et le début d’une révolution.

Le déclin du saphir offre à l’auditeur la liberté de zapper les titres qu’il n’aime pas pour aller à l’essentiel : le bon vieux single qui tâche (on cherche encore un détergent efficace). Les majors l’ont bien compris et vont encore simplifier la démarche en lançant le CD 2 titres, véritable Arche d'Alliance de la médiocrité musicale. Les peuples du monde entier pourront désormais s’arracher à prix d’or – environ 30 francs – le dernier « tube » à la mode...

Quart d'heure étymologique. Tube: se dit d'une forme, généralement cylindrique mais systématiquement creuse. Merci Maître Capello.



Payer pour ce qui passe déjà en boucle sur la bande FM.
J'en ai rêvé, l'industrie du disque l'a fait.



Le phénomène n’a pourtant rien de neuf: le 45 tours et le développement des radios musicales dans les années 80 nous avaient déjà appris à sanctifier le single putassier. Mais les nombreuses possibilités du CD vont pousser la logique à son paroxysme et permettre aux maisons de disque d’amortir leurs fonds de tiroirs dans des compilations dont la qualité n’a d’égal que l'agrément esthétique des pochettes. Deux-trois tubes en vogue, un peu de matraquage publicitaire, ajoutez quelques « mégamix » d’artistes inconnus ; emballez, c’est pesé ! Paradoxalement, l'album s'est rarement aussi bien porté. En témoignent les ventes fulgurantes du Nevermind de Nirvana, véritable phénomène générationnel qui aujourd'hui encore cale la table basse de tout trentenaire normalement constitué. La lecture continue des morceaux, qui permet de créer un univers cohérent, n'y est sans doute pas pour rien...


Sans le savoir, l’industrie vit pourtant les dernières heures de son âge d'or. En démontrant que la musique pouvait se résumer à une suite de 0 et de 1, le mariage Sony-Philips a enfanté de l'antéchrist des maisons de disques: la numérisation. S'ensuit une course aux supports qui vire à la démonstration de force stérile. Philips débarque avec sa DCC en 1992, l'envie d'en découdre ? Sony fait les gros bras avec son MiniDisc.

Au bout du compte, ces formats ne furent, pour ceux qui y ont cédé, qu'une occasion de perdre des dizaines d’albums lorsque leur lecteur tomba en rade. Mais avec ces supports morts-nés, ce qui était jusqu’alors figé dans le polycarbonate devint versatile...

L'apparition des premiers graveurs de CD grand public dans le commerce sonne le glas d'une industrie dont l'âge d'or appartient désormais au passé. Le spectre des albums dupliqués à l’infini resurgit. Et ce n'est qu'un début.

Au-delà des ses indéniables avantages, il n'est pas totalement insensé de croire que le CD renfermait les germes de sa propre perte. Une sorte de cheval du MP3 ?

A venir :

2. Les stars depuis le paradis

3 commentaires:

  1. Excellente playlist, ça fait du bien de se remémorer tout ça :) mention spéaciale pour Chobekore, devenus depuis le projet solo du chanteur Troy Von Balthazar, et Urban Dance Squad le premier concert de toute ma vie.

    Big up au plylister !

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  2. La sélection fut dure, la lutte pour le revival sanglante Nombreux sont les titres restés sur le bord de la route pour délit de kitscherie sur la voie publique... mais quel plaisir de se laver les oreilles d'un bon son 90s toujours imité mais jamais égalé :)))

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  3. Mais Chokebore se sont reformés depuis peu, hé hé !

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