samedi 28 novembre 2009

Les "Années 90" au pied du Mur : grands événements (2)

Partie 2 : Tu t'en pètes du désert...

CIA versus KGB, 1945-1989.

On l’a vu, l’adolescence version 90's a débuté par la fin de l’histoire, aux yeux bridés de Francis Fukuyama, penseur néoconservateur américain mondialisé d’origine sino-nippone - à moins que ce ne soit l’inverse, ce qui revient au même, c’est à dire à rien. Désormais nous promettait-il, il n'y aurait plus de bloc, plus de rivalité, plus de conflit ni de provocations stérile façon baie des cochons. Une période réconfortante allait s'ouvrir. Une période où l’Humanité -avec un grand H vaniteux- toute entière allait poser ses yeux de veaux sur la même boussole déglinguée. Le monde deviendrait une immense communauté des béatitudes, agenouillée comme un seul disciple en direction de l’hémisphère nord.

Francis le visionnaire s'excitait comme un bookmaker hors d'haleine. Et pour cause, le gong médiatique venait de retentir sur le plus grand et le plus sauvage de tous les combats de coqs de l'histoire. Le match CIA-KGB prenait fin dans un fracas d’acclamations journalistico-hystériques qui laissaient sur les plateaux, euphorie incontrôlée oblige, comme une odeur de perte blanche. Partout, les grands prêtres cathodiques célébraient le triomphe des gentils, s'oubliant un peu le regard tourné vers un ciel prometteur et bienveillant. Le monde libre n'était qu'embrassades et célébrations. Il avançait nu dans les champs de la vertu.

Mais les romains, ces petits coquins visionnaires, l’avaient bien senti : POST COITUM ANIMAL TRISTE EST. Aussi, après s’être enivré du sang de la liberté dans le calice des rouges, le froc à peine remonté, l’heure était venue pour le Monde Libre de se trouver de nouveaux ennemis, afin de continuer d’être le meilleur.


Agent du KGB débusquant une taupe de l'ouest, 1945-1989.

Les russes n'existent plus, c’est l’été 1990 et la France n’a pas participé au Mundiale Italien, remporté par des allemands moustachus et réunifiés sur un penalty contestable exécuté par Andreas Brehme, une sorte de Rahan avec des crampons et un short noir. Aucune incidence sur le cours des événements internationaux, mais pour des passionnés de sport c’est un motif presque suffisant pour entrer en guerre. Surtout quand on a dix ans.
L'été 90, donc, suit son cours et nous nous ébrouons sur les plages, nos corps juvéniles tout beurrés de monoï, offerts aux premiers émois. Lorsque le 02 août, tombe la terrible nouvelle : Saddam Hussein qui s’emmerdait un peu après avoir rejoué Verdun pendant huit ans contre l’Iran - conquérir un banc de sable marécageux à coups de centaines de milliers de morts juste pour faire chier les Mollahs - envahit le Koweït pour punir ce dernier d’être plus riche que lui, d’avoir un peu trop joué avec les cours du brut, et accessoirement pour élargir son accès à la mer – ce qui peut se comprendre, dans la chaleur absurde de l’été persique. Koweït city tombe en 2 jours sous l’œil concupiscent de CNN qui commente le pillage par l’armée irakienne des énormes réserves de cariatides en plâtre, d'animaux en marbre et de quincaillerie en or massif.
La condamnation est unanime : la démocratie, notre trésor et la liberté, notre idéal (in)fini sont menacées. Il est impératif de se lancer à la rescousse de ce bon peuple Koweiti, soudainement opprimé par un nouveau tyran moustachu et cruel, mégalomaniaque et télégénique. Il faut faire vite. Sonner les cuivres et tonner les canons pour défendre les valeurs morales de ce petit Emirat si moderne et civilisé, si ouvert et proche de nous culturellement que son ablation de la carte du moyen-orient aura forcément de graves répercussions sur notre avenir à tous.

Il faut surtout en profiter, pendant que les soviétiques, amorphes et trop occupés à se répartir les tripes rougeoyantes d’un empire en décomposition, ne peuvent guère plus qu’éructer une faible protestation de bout de table, tel l’idiot alcoolique du repas de famille duquel tout le monde a honte et que personne n’écoute.

C’est ainsi que 1991 débute sous un déluge de feu lointain : 34 pays amis envoient 1 million de copains botter le cul de Saddam en chantant. Une débauche de technologies rassurantes, un joyeux tonnerre d’acier et une démonstration grandeur nature de la toute puissance de nos forces du bien : l’opération « tempête du désert » débute sous nos yeux. L'ère du marketing de la mort s'ouvre, celle où l'on baptise des opérations guerrières de petits noms de code à jolis champs évocatoires. A entendre "tempête du désert", on pense à des bédouins à dos de chameau, à leur visage drapé de noir pour se protéger du sable tourbillonnant, à Lawrence d’Arabie, à Thierry Sabine, - fondateur du Paris Dakar- bref, on pense à ces héros modernes au visage buriné par le soleil qui parcourent des terres hostiles en quête d'aventure et de gloire personnelle. Bienvenue dans l'ère de la confusion où tout se mélange dans l'esprit du public. Grâce au marketing : les armes guérissent, les frappes sont chirurgicales, les ennemis sont des terroristes, la guerre devient la paix.

Suppositoire intelligent de conception américaine, 1991.

Déjà publié :

1. D'une révolution, l'autre : la liberté expliquée aux mouches

A venir :

3. La moutarde monte au nez des Kurdes

1 commentaire:

  1. Quand je pense que de leur côté les irakiens détenaient des boîtes de suppositoires françaises. C'est toujours un peu moche une guerre.

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