mercredi 2 septembre 2009

Deux pièces cuisinent



C’est toujours un peu surprenant les changements de monnaie. Le sujet n'est pas le passage à l’euro (LaMoucheduCoq compte encore en testons, en écus et en deniers, quand le cours du sequin n’est pas favorable tout du moins), qui a correctement atteint son but (l’élimination des prix transparents et des vieux), ni de l'annonce oubliée de l'Ecu (ex-future monnaie européenne avortée avant qu'on en connaisse le sexe, qui comme l'Esperanto a connu la concurrence agressive des brushings choucroute et des blousons bouffants ; une analyse plus simpliste aboutirait à la conclusion que personne n'en avait rien à cirer). Non, concentrons-nous sur l’édition de nouveaux billets ou pièces.
Qui se souvient par exemple de la sortie des nouveaux billets de 50 francs, tout de bleu vêtus, et couverts de la prose d’Antoine de Saint-Exupéry, pour tous ceux qui se sont attachés un jour à regarder le bifton dans les yeux et entre les lignes. A l’époque il avait été refusé en vrac par les vieux (comme quoi ça fait un bail qu’on essaie de les pousser dans le fossé), et gaussé par pratiquement tout le monde parce qu’il ne « faisait pas vrai ». En attendant, sa bouille de billet de Monopoly a fait des émules, et aujourd’hui les billets en euros rivalisent d’ingéniosité pour briller dans le noir.
C’est là que la situation devient inquiétante. Les autorités compétentes (those in charge comme on dit) nous avaient promis des billets d’un euro, provocant incompréhension chez les personnes âgées et enthousiasme chez tous les quidams lassés de trainer un sac de 4 kilos de pièces de monnaie chez le boucher pour se payer le gigot dominical de grand-mère, qui est restée cloitrée dans sa cuisine de peur de rencontrer un billet de 10 euros. Il faut avouer (et il faut avouer est à moitié pardonné), sortir un rouleau de billets de 1 euro ça a quand même plus de gueule que de claquer maladroitement sa caillasse sur le comptoir en hurlant « un demi, euh non finalement un café » tout en recomptant les pièces roses et jaunes et en poussant un petit cri d'extase à chaque pièce bicolore. Tout le monde se serait senti plus riche, le peuple aurait un motif de dépenser son argent, le gouvernement aurait la paix, les pauvres feraient moins de bruit en marchant et les transports de fonds pollueraient moins.
Au lieu de ça, qu’a-t-on eu ? Exactement l'inverse. Au lieu de petits billets qu’on aurait pu recompter, feuilleter, parier, et retrouver dans des poches de Jeans, on a eu ça :


Elle est pas belle l'histoire ?
Pour ceux qui n’en ont jamais touché, elle ne pèse quasiment rien eut égard à sa taille de jeton de poker (et non pas de rejeton de cocker, ne nous égarons pas) ; elle donne l’impression d’une pièce de dinette, en plastique argenté (balaise : c'est vraiment de l'argent). LaMoucheDuCoq a fait le test dans trois magasins successifs : un G20, une boulangerie et un tabac. Aucun n’a accepté la pièce. Tous ont pensé avoir affaire à du toc. Alors non contents de nous alourdir encore plus les poches, on nous les remplit avec des objets aberrants. Parce qu’ils ne se sont pas arrêtés là : ils nous ont aussi pondu une pièce de 5 euros, de 15 euros, et de 100 euros (si si, une sorte de Napoléon d’or large comme ça). Bientôt les livrets A seront des coffres en bois qu’on remplira de coquillages et on pourra payer les travaux de sa maison en fraises tagada. On vous dit pas la gueule des angles droits.




Certes, comme tout changement celui-ci a besoin de temps pour se faire une place avec matelas pas trop près des toilettes. Évidemment, dans un an, tous les G20 auront un détecteur de fausses pièces de 10 euros, avec un garde de sécurité dédié à son fonctionnement, et l’emploi et le flux de la caisse (à ne pas confondre avec le flux de la caissière) s’en porteront mieux.

Mais la question demeure : pourquoi.
Pourquoi nous infliger des nouvelles pièces quand tout le monde demande plus de billets ? Pourquoi nous montrer si ouvertement que tout le monde s’en fout de ce qu’on raconte, alors qu’il y a tant de sujets sur lesquels on a au moins la délicatesse de nous mentir (vous croyez vraiment que les frères Bogdanov existent ?) ? Pourquoi, alors qu’il s’agit d’un crime puni par la loi (un crime quoi), laisse-t-on aux magasins l’opportunité de refuser des pièces de monnaie ? et la production de pièces de 10 à 100 euros laisse-t-elle supposer la prévention d’une prochaine inflation brutale des barres chocolatées, sourdement orchestrée par les lobbies les plus puissants de Bruxelles (le chocolat, les médicaments, les dentistes et les numismates) ? Est-on en train d'imaginer que bientôt il faudra des pièces de 100 euros pour faire tomber un Mars du distributeur ???
Le jour n'est pas loin où l'expression "acheter un deux-pièces" prendra un tout autre sens. "aller voir une pièce" reviendra à aller réellement contempler un disque de métal sur un pupitre de passage en ville. Et on achètera son pain avec une brouette de pièces multicolores, clignotantes, et tout ce qui sera passé par la tête d'un fonctionnaire malade dont l'objectif premier est de justifier son existence et le bureau en os de papou qu'on lui a donné au siège de l'Union Europénienne. Ah, pauvre France, dirait un vieux. Encore un qui n'a pas vu le montant des dernières pièces de course qu'on nous a concoctées.


"si on construisait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d'attente" (Jules Renard)

1 commentaire:

  1. je n'ai d'ailleurs jamais compris l'expression "en pièces détachées", ça veut dire quoi ? de la monnaie qui a du recul sur la vie ? de l'argent qu'on a nettoyé ? en effet tout ceci n'est pas clair, vous avez mis le doigt sur un vrai pb...

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