mardi 13 octobre 2009

Humpday ou le Gay Transcendé

Ben et Andrew
" Common Dude, Let's Just do It.

- Totally."


Le gay transcendé, goûtez-moi cette formule les amis. Nous l'avons empruntée au film Humpday dont il va être aujourd'hui question. Un bijou de petit film ovni... qui n'a pas volé son prix du jury au festival de Sundance cette année.
Bien sûr, la réalisatrice Lynn Shelton capitalise sur les ficelles anticonformistes et tics de langage du cinéma indépendant américain : “This is just amAzing you know”... mais avec tellement de malice et de justesse qu'on lui pardonne bien volontiers.

Deux pires potes : Ben et Andrew se retrouvent après s’être perdus de vue depuis la fac. L’un, Ben, semble s’être rangé des voitures dans une case bo-beauf hétéro : petite vie rangée sans aspérité notable sinon une femme qui cuisine vachement bien les côtes de porc. L’autre, Andrew, arty-cool-looser-whatever-je suis sur un truc là, reste plus qu’à trouver les financements, revient dans sa vie et l’entraîne bientôt dans une soirée hippilicious où l’amour se conjugue au féminin-masculin-pluriel. Les joints circulent, l’alcool coule à flots. Ben sent bientôt ses bases vaciller devant cette gentille bacchanale où il fait encore bon moissonner le champ des possibles... Entre deux volutes de fumée opaques, un projet extravaguant voit arriver l'aube blanche : participer au festival du film porno amateur local : le Humpfest. Mais y a comme un HumpHic : en matière de sexe, tout a déjà été fait... ou presque. Or si l'on en croit l'exhaustivité des catalogues spécialisés, reste tout de même une niche inexplorée : l'accouplement entre mâles hétéros consentants. Et étonnamment c'est Ben, le coq empâté, qui propose au libertin Andrew de coucher avec lui pour un one-buddy-shot avec l'argument qu'ils livreraient là une performance inédite : deux amis qui dépassent leurs préférences sexuelles sur l’autel du festival... au nom de l’Art. Le gay transcendé.


"It would be amAzing you know.
-Euh... tu préfères pas aller pêcher plutôt ?"

Le lendemain, dessoulés, les copains se défient involontairement à base de cap/pas cap feutrés..."If you can’t do it, I totally understand. You’re married and stuff." C’est qu’il y a beaucoup de choses en jeu pour chacun d’eux. Ben a envie de faire souffler un petit vent de liberté sur un quotidien pas tant ennuyeux que plus très exaltant. Quant à Andrew, la perspective de gagner enfin un trophée n’est pas pour lui déplaire... Bref, au terme de cette séquence, d’une subtilité savoureuse, Ben et Andrew décident de LE faire. Humpact. Restent quelques petits problèmes techniques à régler : informer la femme de Ben, trouver du matériel de tournage, louer une chambre, INFORMER LA FEMME DE BEN... ce qui donne lieu à des scènes d’une grande cocasserie, finement écrites et interprétées. Arrive donc le fameux Humpday, dans la sidération collective. Même si la scène est totalement surréaliste - il faut voir nos compères bedonnants se déshabiller avec l’entrain de deux mormons devant une platine CD et s’encourager bien mollement... dans tous les sens du terme. On sourit mais un peu jaune parce qu’on est quand même pas loin d’être aussi embarrassés qu’eux. On veut voir ce qui semble être le point d’orgue du film : du gay transcendé et en même temps, on en a pas envie... tellement ce challenge revêt une dimension sacrificielle. Ils sont tellement attendrissants, l’un comme l’autre, enferrés dans leur loose universelle... à essayer de surpasser leur condition, de se prouver on ne sait plus très bien quoi d’ailleurs.

Ce film fonctionnerait presque comme une petite parabole de la third-life crisis moderne où on a pas passé 30 ans que déjà on dresse un vrai bilan, pas tant de ce qu'on a fait mais de ce qu'on peut encore faire... ou mieux encore, de ce que l'on se doit à soi de faire. Alors on rappelle ses rêves, on dissout ses soirées dans le stupre comme pour mieux s'excuser de construire une vie...un pas en arrière, deux pas en avant... et vice et versa. Putain mais qui suis-je ? Tiens : et si je sautais en parachute ? Et si je prenais une année sabbatique en Inde ? Et si je m'achetais les Nikes Agassi dont j'ai toujours rêvé ? Et si je participais à Koh Lanta ? Et si je quittais ma moitié que je traîne depuis bientôt dix ans ? Et si je la trompais dans un premier temps ? L'idée : c'est de se refaire... de gratter un peu le vernis protecteur... de se retrouver dans un face à soi. Bien sûr, Ben et Andrew ont une façon très personnelle de chercher réponse mais n’empêche, ils en sont là... à essayer de se sentir encore vivants, encore prometteurs, encore avide d’expériences et de changements, à ne pas refuser les opportunités de la vie par paresse ou lâcheté, à ne pas siéger sur qu’ils ont patiemment construit... que ce soit leur vie conjugale ou leur identité sexuelle.

Alors Humpact or not, tout ce que nous pouvons vous dire, c’est que ça reste pas facile d'avoir une érection pour son meilleur ami. A défaut, emmenez-le voir le film. En salles depuis le 16 septembre.

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