mercredi 19 août 2009

Le Chaînon Manqué


Pan. La nouvelle est tombée sur les prompteurs, crue, franche, catholique et étonnée. Les gens qui dorment moins de 8 heures par nuit sont des mutants. Et ce coup-ci c’est un journal très sérieux qui le dit, avec des journalistes vieux et bien pensants, une orientation politique affirmée et des gros titres sur les réformes et le pape en page une. Nous ne le citerons pas ici, on veut pas d’ennuis avec Le Figaro. On a beau se réfugier derrière l’anonymat d’Internet on n’en reste pas moins lâche.

Comme il est de bon aloi en 2009 d’afficher une différence même débile (non mais franchement quelqu’un a déjà compris ce que cherchent à faire les jeunes d’aujourd’hui avec leurs cheveux ??), il pourrait sembler opportun de décortiquer en quoi ces dormeurs dernier modèle sont des mutants, et s’il y a lieu de s’inquiéter quand notre petit neveu se lève la nuit pour allumer la chaîne parlementaire. Analysons donc le phénomène froidement et sans peur aucune, en trois points pour faire sérieux et aussi un peu pour épater la galerie, qui a oublié d’être conne.

Qu’est-ce qu’un mutant ?

1. Biologiquement, un mutant est un individu dont l’ADN subit une variation. Un mutant, ce sera par exemple un mouton à cinq pattes, une chèvre avec une crête de coq, un présentateur M6 avec un livre. Attention aux faux amis : les X-men ne sont pas des mutants mais des personnages de BD, et les frères Bogdanov c’est un truquage.

2. En général, une mutation est conservée par la nature lorsqu’elle procure un avantage concurrentiel pour la survie (en général seulement, des fois elle a envie de s’amuser aussi la nature, y a qu’à voir l’ornithorynque). Si un mouton se fait pousser une cinquième patte par exemple, il est probable qu’à moins de susciter l’hilarité des fourmis de feu et des sauriens voraces, il finisse assez rapidement entre deux tranches de pain avec un morceau de salade et deux tranches de tomate qui n'auront rien fait pour se retrouver là, elles.
Une méthode infaillible pour déterminer si une mutation est compétitive est de jeter le mutant dans la jungle. C’est comme d’utiliser le verbe « mordre » pour vérifier l’emploi de l’infinitif dans une phrase. Jetons un présentateur M6 dans la jungle : son temps de survie est relativement court, comme celui du teckel roux (ce n'est d'ailleurs pas le seul point commun entre les deux espèces). Précisons au passage que ça a déjà été fait (« sortez-moi de là je suis une célébrité », programme pas complètement fait exprès par une grande chaîne du PAF qui s’en est mordu les noix ; malheureusement tout le monde s’en est sorti, ce qui laisse subodorer un certain laxisme des crocodiles en plâtre peint engagés pour l’occasion, et qui fragilise la présente démonstration, mais ce serait extrêmement désagréable de la part du lecteur de le relever).
A contrario, si on en croit Hollywood, Hulk et The Fantom sont des mutants tout à fait viables biologiquement parlant. Si la jungle était un magasin Zara en revanche ils seraient probablement bien embêtés. Mais là n’est pas le sujet. Et puis concentrez-vous un peu.

3. Il semblerait que les nouveaux dormeurs bénéficient d’un gène inconnu (appelons-le « gêne inconnu ») qui leur permet d’avoir besoin de moins de sommeil et de dormir plus vite et mieux, tout en tapant à la machine et en lavant leurs slips sales, un peu comme le chat qui ne dort que d’un œil mais peut surveiller la bouffe de l’autre. De plus si on en jette un dans la jungle, son temps de veille amélioré, ses slips propres et ses lettres impeccablement tapées lui permettront probablement de voir venir de loin la panthère chafouine ou le boa au confit de porc. Les conditions sont donc remplies pour en faire des mutants viables. CQFD.

Voilà donc l’opportunité offerte à qui le veut pour briller en société ; on ne dira plus « je suis insomniaque », particularité repoussante du sociopathe en mal de tranquillité d’esprit ou de chair frémissante, mais « je suis un mutant », discours bien plus intrigant pour la donzelle disponible qui aura présupposé un tentacule verdâtre émergeant du nombril, et qui découvre avec ravissement une fine plaisanterie qui ne manque pas de souligner le côté simple et fanfaron du propriétaire dudit tentacule imaginaire. Plus besoin de Porsche, de carte bleue en marbre rose ou d’un torse Action Man, avoir l’air fatigué suffit. N'oubliez cependant pas de signaler votre mutation (montrez par exemple votre tentacule), pour ne pas risquer de passer pour un simple insomniaque. Ceux-là on leur parle pas.

Notre bonne vielle société moderne a donc provoqué sa première mutation officielle. Le stress, le rythme effréné de nos grandes capitales et la malbouffe auront finalement apporté quelque chose de bon à l’Homme. A quand les oreilles 3G, les yeux 3D, l’hypothalamus HDMi et les coucougnettes bi-goût ?
Sombrons dans la débauche, manifestement il n’y a pas de justice et personne ne nous attend à la sortie avec un carnet de notes.

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